Entretien
Notice
Date de réalisation
Lieu de réalisation

Maison Suger

Langue :
Français
Crédits
Juan Cristóbal Cruz Revueltas (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2024
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/6sp3-4390
Citer cette ressource :
Juan Cristóbal Cruz Revueltas. FMSH. (2024, 25 janvier). Philosophie politique et société démocratique. [Podcast]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/6sp3-4390. (Consultée le 20 mai 2024)

Philosophie politique et société démocratique

Réalisation : 25 janvier 2024 - Mise en ligne : 19 février 2024
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Descriptif

Juan Cristobal Cruz, enseignant-chercheur au département de philosophie de l’université autonome de l’Etat de Morelos au Mexique, nous parle de philosophie politique et de la société démocratique

Juan Cristobal Cruz est diplômé en droit de l'ITAM (Mexique) et a obtenu une maîtrise et un doctorat en philosophie politique à l'Université Panthéon Sorbonne (Paris 1) sous la direction de Luc Ferry et Dominique Colas. Il a également suivi les enseignements et les séminaires de Jacques Derrida, Cornelius Castoriadis et Pierre Rosanvallon à l'École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris). En 1991, il a organisé un séminaire commun avec Jacques Derrida à la Maison de la Norvège (Cité universitaire de Paris). Depuis 1996, il est enseignant-chercheur au département de philosophie de l'université autonome de l'État de Morelos. Il est membre du Système national des chercheurs du Mexique. Sur le plan international, il a publié aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Norvège, en Hongrie, en France et en Espagne.

 

La transcription est disponible dans l'onglet "Documentation".

 

Intervention
Thème
Documentation

Vous écoutez Histoires de recherche. Dans cette collection, vous entendrez des chercheurs et des chercheuses vous présenter les axes et les méthodes de leurs projets.

Dans cet épisode, Juan Cristobal Cruz, enseignant-chercheur au département de philosophie de l’université autonome de l’Etat de Morelos au Mexique, nous parle de philosophie politique et de la société démocratique.

 

Je suis Juan Cristobal Cruz, je suis chercheur à l’université Morelos, au Mexique. Je suis également membre du système national de recherche au Mexique. Depuis 25 ans, je suis professeur-enseignant, je dirige des thèses à cette université. Mon domaine principal de recherche est la philosophie politique et je travaille au sens traditionnel du terme. Par exemple, au sujet de la tolérance, je viens de participer à un livre dirigé par Karen Bakker, qui est en charge de la démocratie, la tolérance et la religion à Berkeley. Cela dit, je m’intéresse aussi aux sujets périphériques à la philosophie politique, comme peut l’être actuelle vague populiste, l’histoire des effets politiques de l’image et, comme tout le monde aujourd’hui, les effets du développement de l’intelligence artificielle. Mais en fin de compte, l’intérêt derrière toutes ces questions est la question de la société démocratique.

Mes recherches sont au sujet de la tolérance, un travail de recherche sur la tolérance au Mexique et également les problèmes de la société mexicaine, en parlant de la démocratie. Je voudrais m’intéresser maintenant aussi aux problèmes que pose l’intelligence artificielle au développement de la société contemporaine. Au-delà du travail au sujet de la démocratie, je viens de terminer un livre, qui est une sorte d’histoire alternative de la philosophie politique. Maintenant, il me semble que le grand problème est le futur de la société démocratique. Aujourd’hui, les sociétés démocratiques sont confrontées à de très grands défis technologiques, climatiques, l’apparition des états autoritaires et totalitaires. Il faut donc essayer de répondre à cette demande urgente. Je pense que, dans mon domaine de recherche, il ne faut pas seulement retrouver de nouvelles choses, mais aussi préserver la grande tradition culturelle et intellectuelle. Un académicien français aime dire que l’Amérique latine est une sorte d’extrême Occident et, oui, la grande tradition intellectuelle et culturelle européenne, et même méditerranéenne, est une partie de la tradition latino-américaine. Nous autres, latino-américains, il nous faut aussi être des gardiens de cet héritage. En d’autres termes, il me semble que la meilleure réponse au problème de notre temps n’est pas, comme semble l’être pour beaucoup, en finir avec les Lumières ; tout au contraire, il faut prolonger les Lumières, la grande tradition des Lumières

En philosophie politique, on doit faire face à des injonctions, qui semblent contradictoires. D’un côté, chercher à éclairer des concepts, par exemple dire ce qu’est la démocratie, le pouvoir, etc… mais aussi il y a ce que pensait Hannah Arendt, il faut penser l’événement, l’actualité, face à laquelle on peut manquer de concept. On fait ce travail entre ces deux choses, entre penser, éclairer le concept comme si c’était éternel, mais aussi penser les conditions actuelles de la politique, qui demandent peut-être des concepts que nous n’avons pas. Il faut travailler avec ces différentes injonctions qui peuvent sembler contradictoires. C’est ça ma méthode de travail qui est, je crois, propre à la plupart des gens qui font de la philosophie politique.

Je pense que nous vivons un moment critique, face aux problèmes climatiques, aux problèmes technologiques, aux problèmes de l’apparition de gouvernements autoritaires, etc. On est dans une situation urgente existentielle. Nous devons travailler, essayer de réfléchir, de répondre de manière intellectuelle et conceptuelle. Donc, je pense que je fais quelque chose d’urgent et nécessaire.

Mon séjour à la Maison Suger a été très important pour moi. Ça m’a permis par exemple, de rencontrer des collègues français, de trouver des espaces de publication pour moi en France, d’approfondir ma collaboration avec Monsieur le Professeur Denis Lacorne, qui est quelqu’un de très reconnu au CERI de Sciences Po. Le produit de cette collaboration a été un livre publié en Espagne, mais nous avons aussi fait plein d’articles et même des interviews, des entretiens. Mais cela m’a aussi permis de rencontrer, de connaitre, de collaborer avec des collègues de différents pays, même avec des collègues mexicains, que je n’aurais pas connu d’une autre façon. Mon séjour à la Maison Suger m’a permis aussi d’entrer en contact avec des expressions culturelles françaises, et même intellectuelles, que je n’aurais pas connu d’une autre façon, même pour quelqu’un qui a une certaine familiarité avec la société française, je n’aurais pas pu connaître ces auteurs, ces expressions culturelles françaises, si je n’avais pas eu la chance d’être à la Maison Suger.

 

Produite par la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, cette interview a été réalisée en janvier 2024.

You are listening to Histoires de recherche. In this series, you will hear researchers talk about the focus and methods of their projects. In this episode, Juan Cristóbal Cruz, a teacher and researcher in the Department of Philosophy at the Autonomous University of the State of Morelos in Mexico, talks to us about political philosophy and democratic society.

My name is Juan Cristóbal Cruz and I'm a researcher at the University of Morelos in Mexico. I'm also a member of the National System of Researchers in Mexico, and I've been teaching and supervising theses at the university for 25 years. My main field of research is political philosophy. I work in the traditional sense of the word. On tolerance, for example, I contributed to a book edited by Karen Baker, who is in charge of all things related to democracy, tolerance and religion at Berkeley. But I'm also interested in issues that are peripheral to political philosophy, such as the current populist wave, the history of the political effects of the image, and, like everyone else today, the effects of the development of artificial intelligence. But ultimately, the interest behind all these questions is the question of democratic society.

My research is about tolerance in Mexico and about the problem of Mexican society, the problem of democracy. Now I'd like to look at the question of artificial intelligence and the development of contemporary society. In addition to my work on democracy, I have just finished a book that is a kind of alternative history of political philosophy. I think the big issue now is the future of a democratic society. Today, democratic societies face major technological and climatic challenges, as well as the emergence of authoritarian and totalitarian states. So, we have to try to respond to this urgent demand. In my field of research, I think it's important not only to find new things but also to preserve the great cultural and intellectual tradition. A French academic used to say that Latin America is a kind of Far West. Yes, the European and even Mediterranean intellectual and cultural tradition is part of the Latin American tradition. We Latin Americans must also be the guardians of this heritage. In other words, it seems to me that the best response to the problems of our time is not, as it seems to many, to abolish the Enlightenment, but, on the contrary, to extend the great tradition of the Enlightenment.

In political philosophy, we have to face what may seem to be contradictory imperatives: on the one hand, we have to try to clarify concepts, to say, for example, what democracy, power and authority are; but on the other hand, as Hannah Arendt thought, we have to think about the event, the current situation, in the face of which we may lack concepts. We work between these two things, between thinking and illuminating the concept as if it were eternal, but also thinking about the current conditions of politics, which may require concepts that we don't have. We have to work with these different imperatives, which may seem contradictory. This is my way of working, which I think is typical of most people who work in political philosophy. I think we are living in a critical moment, given the climate problem, the technological problem, the problem of the emergence of authoritarian government, and so on. We're in an urgent, existential crisis that we have to work on, try to think about and respond to intellectually and conceptually. So, I think I'm doing something urgent and necessary.

My time at the Maison des Sciences de l'Homme has been very valuable for me. For example, it allowed me to meet French colleagues, find publishing spaces in France, and deepen my collaboration with Professor Denis Lacorne, a highly respected figure at Sciences Po. The product of this collaboration was a book published in Spain, but we also wrote a lot of articles and even conducted interviews. It also allowed me to meet and collaborate with colleagues from different countries, even Mexican colleagues that I wouldn't have met otherwise. My stay at the Maison des Sciences de l'Homme also allowed me to discover French cultural and even intellectual expressions that I wouldn't have discovered in any other way. Even for someone with a certain familiarity with French society, I wouldn't have been able to get to know these authors and these French cultural expressions if I hadn't had the chance to be at the Maison des Sciences de l'Homme.

This interview was produced by the Fondation Maison des Sciences de l'Homme in January 2024.

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